Communiqué de la Fédération Nationale de la Libre Pensée
Le ministre de l’intérieur doit cesser ses attaques
contre le monde associatif
Paris, le 6 avril 2023
Lors d’une audience publique à l’Assemblée nationale concernant les conditions du maintien de l’ordre, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, au lieu de rendre compte de sa responsabilité en ce qui concerne les violences policières, a préféré menacer la Ligue des Droits de l’Homme. Il a suggéré qu’il pourrait revoir les subventions d’État versées à la LDH. Il lui reproche précisément le travail d’observation des agissements de la police pendant les manifestations, travail absolument nécessaire pour garantir le droit de manifester et documenter les violences policières d’État que le monde entier reproche désormais à la France. La FNLP invite à signer l’appel contre les Violences policières d’État, contre la répression et pour le droit de manifestation
La Fédération nationale de la Libre Pensée se tient aux côtés de la LDH, qui depuis 1898 défend inlassablement les droits fondamentaux. Seul l’État de Vichy avait osé s’attaquer à une organisation qui a mené des combats exemplaires, depuis la défense du Capitaine Dreyfus, victime déjà d’une violence d’État. Gérald Darmanin n’a plus de limites dans la course qu’il mène pour coller aux thématiques de l’extrême droite.
La FNLP rappelle qu’elle mène un combat contre « la loi séparatisme » qui invite déjà à restreindre les moyens des associations qui seraient rétives à l’idéologie de l’État : le ministre de l’intérieur est ici bien cohérent avec la méthode du gouvernent Macron vis-à-vis des associations. La FNLP rappelle que la liberté d’association, obtenue en 1901, est un droit fondamental auquel on ne touche pas sans porter atteinte à la démocratie.
Communiqué de la Ligue des Droits de l’Homme
Le ministre de l’Intérieur a mis en cause ce jour la participation de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) à des observatoires citoyens qui ont notamment documenté le dispositif de maintien de l’ordre sur la zone de Sainte-Soline dans le cadre des mobilisations contre les « mégabassines », les 24-26 mars 2023.
Il opère une confusion dommageable sur la notion d’observateur indépendant, indépendance qui s’entend vis-à-vis des pouvoirs publics et non des positions que peut prendre la LDH comme association défendant les droits et libertés indivisibles.
Les trois arguments qu’il mobilise pour ce faire sont, de plus, faux ou biaisés :
- L’allégation que la LDH serait « un observateur qui a appelé à manifester malgré la manifestation interdite ».
En tant qu’association, la LDH n’a pas appelé à manifester à Sainte-Soline. Au niveau local, de manière autonome, comme les statuts de la LDH le prévoient, deux sections de la LDH ont soutenu les rassemblements prévus les 24-26 mars avant que les interdictions de manifester n’aient été prises et le comité régional Poitou-Charentes a appelé dans un second temps à la mobilisation, sans appeler à manifester, en précisant qu’un stand LDH serait tenu à Melle, lieu d’un rassemblement déclaré et qui n’a pas été interdit.
Au-delà, la LDH n’est pas uniquement une vigie des droits de l’Homme, elle prend comme toute association mobilisée dans le champ citoyen des positions qui peuvent déplaire aux pouvoirs publics. Au regard du droit international qui protège le statut d’observateur, c’est plutôt un gage d’indépendance vis-à-vis de ceux-ci.
Le ministre de l’Intérieur s’affranchit donc sur ce point de la réalité des faits.
- Le fait que la LDH a « attaqué l’arrêté de la préfète qui empêchait le transport d’armes », ce qui ne serait « pas très pacifique ».
La LDH a en effet formé un recours de principe en référé-liberté contre les arrêtés pris par la préfète des Deux-Sèvres et le préfet de la Vienne[1] prévoyant l’interdiction « d’armes par destination ». La LDH contestait la définition choisie, qui méconnaissait la jurisprudence du Conseil constitutionnel refusant l’extension a priori de la notion d’arme à tout objet pouvant être utilisé comme projectile.
Dans le cadre limité qui est le sien, le juge des référés n’a pas donné droit à cette demande de la LDH, mais celle-ci saisit le tribunal administratif au fond.
Les associations se portant devant les juridictions sont-elles dangereuses selon M. Darmanin ?
- L’assertion que « le tribunal administratif de Poitiers lui-même n’a pas donné le statut d’observateur » à la LDH.
Le tribunal administratif de Poitiers, saisi par la LDH en référé-liberté, a reconnu que la préfète des Deux-Sèvres avait commis une illégalité[2] en déniant par principe aux observateurs indépendants la protection particulière dont ils doivent bénéficier lors des manifestations, comme pour les journalistes[3].
Au demeurant, ce n’est pas l’Etat qui confère un statut d’observateur à telle ou telle organisation. La qualité d’observatrice et d’observateur est reconnue par le droit international au regard de sa mission pendant la manifestation et non à l’association en tant que telle. Les autorités n’ont pas à donner ou ne pas donner le statut d’observateur. Elles doivent simplement reconnaître et garantir leur droit à la protection conféré par le droit international, en vertu notamment de l’article 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques régulièrement signé et ratifié par la France. Le Conseil d’Etat l’a rappelé dans sa décision du 10 juin 2021 sur le schéma national du maintien de l’ordre : ils doivent être considérés à l’instar des journalistes.
De même que pour l’arrêté « armes », dans le cadre limité qui est le sien, le juge des référés n’a pas donné droit à la demande de la LDH, mais celle-ci saisit le tribunal administratif au fond.
Ce que souligne la mauvaise foi du ministre, c’est sa détermination à piétiner le droit international protégeant le statut d’observateur et, avec lui, la liberté d’expression.
Les observatrices et observateurs sont déjà inquiétés sur le terrain, car les errements qu’ils dénoncent et rendent visibles constituent un contre-pouvoir citoyen. Quel est le but recherché aujourd’hui par le ministre, sinon d’empêcher de documenter l’action des forces de l’ordre ?
Paris, le 5 avril 2023