Hypatie d’Alexandrie (360 à 370 – 415), par Bernard Colou

 

 

 

 

 

Mathématicienne et philosophe.
Fille de Théon d’Alexandrie, mathématicien et dernier représentant connu du fameux Musée et de la Grande Bibliothèque d’Alexandrie d’Egypte dont il est le Directeur, Hypatie est née aux environs de 360 après J.-C.

D’après « AGORA », un film d’Alejandro Amenabar, janvier 2010

Elle bénéficia de l’enseignement mathématique de son père, poursuivit sa formation à Athènes où elle approfondit sans doute la philosophie, et revint s’installer à Alexandrie ; elle y tint des conférences publiques – peut-être même dans le cadre d’une chaire publique – tout en proposant un enseignement privé à un cercle de disciples issus des couches aisées et cultivées de la société alexandrine ou plus lointaine.

On s’accorde aujourd’hui à attribuer à Hypatie la rédaction de commentaires sur des œuvres de grands mathématiciens, notamment un commentaire sur les Arithmétiques de Diophante, mathématicien alexandrin du IIIè siècle après J.-C., ou encore des commentaires sur les Sections coniques d’Apollonios de Pergè, géomètre du IIè siècle avant J.-C. Elle aurait également participé à l’édition des Canons astronomiques de Ptolémée, célèbre astronome, mathématicien et géographe, actif à Alexandrie au début du IIè siècle apr. J.-C.  

Hypatie doit être considérée comme une brillante conceptrice de sortes de manuels à but pédagogique. Son enseignement mêlait sciences naturelles, mathématique et philosophie, d’obédience néo-platonicienne.

Les éléments les plus personnels et les plus fiables que nous puissions réunir sur la figure d’Hypatie proviennent de la correspondance de Synésios, un de ses disciples, qui deviendra évêque de Ptolémaïs. Très attaché à son ancienne professeure et amie, il reste en contact épistolaire étroit avec elle, laissant transparaître sa nostalgie des cours passés, lui demandant des précisions techniques pour construire un astrolabe, lui adressant ses essais avant publication.

La personnalité intime de la philosophe se dessine ainsi à nos yeux : sa vertu est unanimement reconnue à tous les niveaux ; on loue son maintien, sa tempérance, mais aussi sa beauté exceptionnelle et sa farouche résistance à toute séduction, décidée qu’elle était à rester vierge et indépendante toute sa vie. Sa science, reconnue elle aussi, ainsi que sa réputation vertueuse et son indéniable charisme font d’Hypatie une personnalité très en vue à Alexandrie, une personne de référence, fréquentant les personnages les plus haut placés, comme Oreste, préfet augustal, représentant du pouvoir impérial à Alexandrie.

La situation est tendue à Alexandrie dès 412, soit trois ans avant les événements qui nous retiennent. En cette année, un nouveau patriarche vient remplacer le défunt Théophile ; c’est son neveu Cyrille, connu pour son intransigeance et son fanatisme, qui s’appuie sur les écrits de Saint Paul, très misogyne . Les relations ne tardent pas à s’envenimer au fil des mois entre le nouveau représentant de l’Eglise et Oreste, le préfet impérial.

Plusieurs incidents émaillent la situation et la rendent explosive ; Cyrille et Oreste s’affrontent indirectement, notamment par le biais de la communauté juive d’Alexandrie ; alliés d’Oreste, les juifs sont persécutés et forcés à l’exil par Cyrille ; suite à la condamnation par Oreste d’un grammairien lié à Cyrille, le préfet augustal est agressé par des moines accourus du désert ; lorsque le meneur de ce « gang » est mis à mort par Oreste, la situation arrive à son paroxysme de tension entre les deux antagonistes. L’empereur Théodose II reçoit de la part des deux partis une demande de médiation. C’est à ce moment et dans ce climat qu’Hypatie est sauvagement assassinée.

Ce qui causa sa perte fut sans aucun doute les excellentes relations qu’elle entretenait avec Oreste. Grâce à son charisme et à sa réputation de grande vertu, elle côtoyait en effet les personnes les plus influentes de la ville ; et le parti de Cyrille devait redouter que son aura finisse par faire pencher l’empereur du côté de son « allié » Oreste.

Malgré ses nombreuses vertus, son charisme et ses connaissances hors du commun, nous ne saurions certainement rien d’Hypatie si elle n’était morte de façon tragique. Le 8 mars 415 après J.-C., nous rapporte Socrate le Scholastique, dans son Histoire ecclésiastique, Hypatie rentre chez elle ; elle est agressée devant sa porte par une horde de moines chrétiens fanatisés sous la conduite d’un certain Pierre, lecteur de l’église d’Alexandrie. Ceux-ci la traînent dans une église (le kaisareion, ancien lieu du culte impérial, transformé en église) où ils la mettent à nu et l’écorchent vive avec des tessons ou des coquillages ; son corps est ensuite démembré et brûlé sur une colline proche.