Ecologie : entre céder à l’air du temps et paraître négationniste, une voie étroite, par Jean-Sébastien Pierre

La Libre Pensée n’est pas une doctrine, c’est une méthode.
(Congrès de Rome de 1904)
La Libre Pensée ne s’interdit donc aucun débat, aucune recherche.

Jean-Sébastien Pierre

Les problèmes environnementaux sont réels et affectent la vie quotidienne de populations entières, voire éventuellement de la population mondiale.

Parmi les problèmes avérés, on peut citer la déforestation sauvage des forêts primaires équatoriales, l’épuisement des stocks exploitables de poissons marins, la présence de « soupes » de déchets plastiques se concentrant en certains points des océans, l’abus de produits chimiques sur les cultures au niveau mondial, la disparition d’un nombre notable d’espèces vivantes d’autant plus remarquées et identifiées qu’elles sont plus grosses en taille et d’intérêt patrimonial.

Le grand Panda – Photo wikipedia.

Ainsi le grand Panda et la baleine bleue font la une de multiples émissions de télévision et de vidéos présentes sur le web, tandis que la faune des vers de terre, des insectes, vers et acariens du sol n’est même pas connue dans tous les détails dans l’ensemble du monde.
Ce sont, c’est très clair, des dégâts dus au mode de production capitaliste dans lequel l’environnement est a priori « res nullus » (la chose de personne). Le Capital ne peut donc éviter de dégrader l’environnement, sans une forte contrainte extérieure qui ne peut provenir que de la loi, avec les forces de coercition adéquates.

Encore faut-il que les maux soient clairement identifiés, or la propagande écologiste, au sens de l’écologie politique, est devenue une source gigantesque de désinformation et de mensonge. Les dégâts environnementaux sont présentés et amplifiés jusqu’à la démesure catastrophiste dans un but désormais bien clair : il ne s’agit pas de mettre le capitalisme en accusation, mais d’attribuer les maux environnementaux à l’activité humaine en soi, au mode de vie des populations qui devraient se restreindre et accepter de limiter leur consommation. Une nouveauté qui émerge de manière inquiétante est que des scientifiques compétents et patentés se prêtent à cette désinformation dans le cadre notamment des agences onusiennes que sont le GIEC (1) et l’IPBES (2).




C’est ainsi que le GIEC vient d’oser dénoncer une consommation de viande excessive comme cause première des émissions de méthane et de CO2. On imagine la menace que cette déclaration délirante fait peser sur les populations des pays en voie de développement. L’IPBES, quant à lui, nous annonce froidement qu’un million d’espèces sont menacées d’extinction « par l’activité humaine ». Un examen même rapide du problème montre que ce chiffre effarant ne repose que sur du vent. De nombreuses espèces sont en danger d’extinction, ce qui n’est pas un problème simple, encore qu’il soit soluble, mais lancer des chiffres farfelus et catastrophiques ne sert à rien, sinon à contribuer à l’affolement des populations et à les convaincre de la nécessité d’une « sobriété heureuse » chère à Pierre Rabhi et au pape François. C’est la forme devenue officielle de la décroissance.

Entre déprédations réelles et désinformation, la Libre Pensée ne peut ni se taire ni sombrer dans « l’air du temps ». La voie est cependant étroite. Un certain nombre de libres penseurs, par ailleurs authentiquement laïques, antimilitaristes, antidogmatiques et anticapitalistes sont influencés par la propagande catastrophiste qui se déverse en cataracte à chaque instant sur toutes les chaînes d’information, ou, tout simplement, soucieux de la préservation de la nature et d’un environnement riche et agréable pour l’humanité, s’inquiètent d’une dégradation sensible du monde qui nous entoure. Beaucoup y voient un combat anticapitaliste, ce qui serait légitime si cette « lutte » n’était pas animée aujourd’hui par l’impérialisme lui-même, comme dans la monstrueuse construction Greta Thunberg assortie de la « grève des enfants ».

Soyons clairs : ni la manière ni la nécessité de combattre les dégâts environnementaux ne peuvent être une ligne de clivage au sein de la Libre Pensée. Pour autant on ne peut interdire aux instances de la Fédération Nationale de la Libre Pensée de produire une analyse rationnelle de phénomènes aussi inquiétants que l’opération Greta Thunberg, ou sur les positions de petites ligues activistes et profondément réactionnaires comme « extinction-rébellion ».
Il y a dans les mouvements écologistes, même si (et surtout si) ils peuvent séduire un certain nombre de jeunes, une composante totalitaire, pour ne pas dire fascisante, qui est palpable dès lors que l’on rentre un peu dans leur problématique.

Extinction-rébellion : « La biodiversité doit être reconnue et respectée pour sa valeur intrinsèque et pas uniquement pour les « services » qu’elle nous rend. Nous nous battons pour que nos sociétés reconnaissent avec humilité leur place au sein de la biosphère et engagent une démarche de restauration écologique à la mesure des dégâts causés. Ces demandes nécessitent une mobilisation civile et solidaire d’une ampleur et d’une visée comparables à celles déployées en temps de guerre. »

On sait ce qu’il advient, « en temps de guerre » des libertés démocratiques et des aspirations des peuples.

Un coup d’œil à leur « matériel pour rebelles » donne une idée de la tonalité de leur « non-violence ». Non-violence, jusqu’à quand ? On a déjà connu les « faucheurs volontaires » qui se comportaient en bandes de nervis pour attaquer les agriculteurs et les laboratoires de recherches, cette mode a pour l’instant passé, mais d’autres peuvent revenir. On voit déjà des agriculteurs se faire insulter comme « empoisonneurs » à la suite de cinq sujets « édifiants » traités par Elise Lucet et qui, outre qu’ils diffusent des sommets de contre-vérités sont de véritables appels à l’« agri bashing ».

Nous ne sommes pas une instance scientifique. Ce n’est pas à nous de dire le vrai, et nous ne le pouvons pas. Ce que nous pouvons faire, c’est défendre la liberté d’expression des chercheurs, en soutenant la règle commune : est scientifique ce qui est publié dans une revue sérieuse à comité de lecture international. Ce n’est pas à une instance d’expertise de trier dans la littérature ce qui est scientifique ou pas. Une expertise doit éclairer des décisions, faire la synthèse des documents existants et en déduire des propositions. Ses rapports, si volumineux et documentés soient-ils ne sont pas des œuvres scientifiques. C’est de la « littérature grise » au sens de la science contemporaine. Elle ne peut avoir pour prétention de « faire taire » toute voix divergente.
Le GIECCC et l’IPBES, contrairement aux agences d’expertise plus classiques ont la prétention de dire le vrai, y compris dans leurs projections sur le futur, dont l’histoire nous apprend qu’elles sont toujours hasardeuses. Voir les prédictions démographiques délirantes du Club de Rome dans les années 70, complètement démenties par le décours des événements.

Cependant nous savons, et c’est un acquis de l’activité presque bi-séculaire de la Libre Pensée, faire la part des choses entre l’information scientifique, toujours respectable, et la propagande, qu’elle vienne d’ONG « désintéressées » comme Greenpeace ou le WWF ou d’officines internationales telles que le GIEC ou l’IPBES, ou des médias aux ordres ou du gouvernement. Nous faisons notre la parole de Fontenelle (« La dent d’or ») : « assurons-nous du fait avant d’en rechercher la cause ».
Or, nous sommes en plein dans cette problématique qui touche même les chercheurs. On passe du constat de la disparition ou de la régression grave d’un certain nombre d’espèces, au mythe catastrophiste de la VIème extinction. D’un constat intéressant les régions agricoles du globe – la masse des insectes s’est réduite de plus de 50 % (70 % en Allemagne) -, à la généralisation stupide : sur toute la terre, les insectes sont en voie de disparition.

Photo Francetvinfo.

En conclusion,
la pression de l’écologisme est devenue telle qu’il peut être néfaste de foncer dedans flamberge au vent à coup de déclarations péremptoires. Nous avons tout intérêt, par contre, à susciter les questions et à inciter les camarades à étudier.
Les dossiers de Sciences et Pseudosciences sont en général excellents et d’un niveau scientifique indubitable, même si on peut s’interroger sur certains d’entre eux (climat, par exemple). Par ailleurs, on peut légitimement interpeller les statistiques répandues par les médias, en admettant (ce que pour ma part je refuse) de considérer le gaz carbonique comme un « polluant », car c’est avant toute chose un engrais pour la végétation, voyons noir sur blanc quels sont les plus gros « pollueurs » : les voitures individuelles, les tankers et porte-conteneurs ou l’armée ? Les jets civils seraient condamnés et condamnables mais pas les rafales et autres avions militaires ? Le bilan des bateaux commerciaux est effrayant, moins en termes de CO2 que de dérivés soufrés.

Bien sûr, la dégradation de notre environnement est un aspect du caractère destructeur du capitalisme. Encore faut-il l’identifier avec exactitude et faire la part précisément de ce qui relève de la nécessaire production et ce qui relève de la gabegie capitaliste. C’est extrêmement difficile, mais ne pas le faire, conduit directement à condamner, non pas le régime du profit, mais l’Humanité elle-même. C’est la substance même de l’écologisme politique, et nous devons y résister, même si les formes de la résistance peuvent être souples.

Jean-Sébastien Pierre
Janvier 2020

(1) GIEC : Groupe d’experts intergouvernemental sur l‘évolution du climat.

(2) IPBES : Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques.