Pour défendre la liberté académique, il faut en finir avec le Haut Commissariat à l’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur
Depuis quelques jours, la presse se fait l’écho de la vacance des instances du Haut Commissariat à l’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (Hcéres), l’autorité administrative à qui les gouvernements successifs ont confié depuis près de vingt ans, sous ce nom ou sous un autre, l’évaluation périodique des universités et des laboratoires.
La présidence du Hcéres est vacante depuis plus d’un an. Son précédent président, Thierry Coulhon, était auparavant conseiller à la présidence de la République, et son élection avait été initialement jugée irrégulière par le conseil déontologique du ministère de l’enseignement supérieur, qui y avait décelé un conflit d’intérêts. M. Coulhon avait également brillé par sa participation à un faux colloque sur « l’islamo-gauchisme à l’université » organisé en Sorbonne en 2022 pour promouvoir l’agenda idéologique de Jean-Michel Blanquer. Voilà qui illustre bien le rôle de domestication joué par le Hcéres.
La presse se fait l’écho de rumeurs selon lesquelles les deux favoris seraient un professeur de théologie catholique, prêtre de son état, et un psychanalyste. Elle s’intéresse moins à la candidature d’une psychologue réputée proche du pouvoir, consacrant ses recherches à rendre plus efficiente la fabrication du consentement psychologique aux réformes. Tous ces choix seraient de mauvais augure dans un contexte où le gouvernement ne se cache pas de préparer un nouveau tour de vis sur les libertés académiques et leurs garanties budgétaires et statutaires.
Tel est l’enjeu réel de cette nomination, très au-delà des querelles de personnes. L’instance Hcéres occupe une place centrale dans la mise en concurrence et la fragmentation des collectifs. Le Hcéres a pour mission de soumettre les laboratoires et les universités à des critères qui nient toute pratique scientifique : la science, c’est la patience, la lecture, le tâtonnement, le fourvoiement sur des fausses pistes, la découverte parfois fortuite, la discussion informelle par laquelle tout s’éclaire, le partage de savoirs et de travaux en cours avec les pairs. L’épidémie de Covid-19 a montré les ravages que peut faire le sous-financement des sujets de long terme et peu vendeurs, comme l’étaient les coronavirus jusqu’en 2019…
Mais le gouvernement français persiste dans son hostilité à la démarche scientifique et rationnelle. Le capitalisme et l’autoritarisme ne s’accommoderont jamais des principes directeurs de la science et de l’université : l’indépendance intellectuelle, la critique des opinions acquises et la transmission gratuite des connaissances et des techniques. Pour les possédants et leurs serviteurs, c’est la liberté académique qu’il faut dompter, à coups d’indicateurs bibliométriques, de tableaux interminables, d’objectifs contractuels et de critères imposés. Il leur faut cela pour laisse la voie libre au marché du savoir, à la réduction de la science au rang de servante de tous les pouvoirs, et à la domestication de la jeunesse dans des universités mises au pas. Le Hcéres occupe une place normative centrale dans ce dispositif. Demain, si l’on n’y prend pas garde, il obtiendra peut-être ce que l’ex-ministre Vidal voulait lui accorder : que les budgets des universités soient indexées sur leur évaluation par le Hcéres.
Curé, psychanalyste ou psychologue, peu importe : c’est l’institution Hcéres qui sécrète naturellement l’autoritarisme. Cette instance ne peut attirer que des candidates et des candidats déterminés à en découdre avec la liberté académique. Il ne saurait y avoir de bon président à cette instance. C’est pourquoi l’IRELP, à la fois société académique et organisation du mouvement démocratique, attachée par son objet même à la liberté de penser et à la critique de tous les pouvoirs, prend position pour la suppression du Hcéres.
Liberté pour la recherche !
Liberté pour l’Université !
- IRELP – Institut d’Etudes et de Recherches de la Libre Pensée