Le scientifique André Brahic, par Jean-Claude Dorinet

brahic

André Brahic

André Brahic est né à Paris en novembre 1942…  et la lumière de  sa passion s’est éteinte au cours de ce mois-ci, le 15 mai  2016.

Sur sa carte de visite figurent les mentions d’astronome, de physicien et d’astrophysicien au CEA de Saclay, de professeur à l’Université Paris-Diderot depuis 1978, et de directeur du laboratoire Gamma-gravitation rattaché à l’UFR de physique.

Il a été initié à l’Astrophysique par Evry Schatzman, le père de la discipline en France de l’après-guerre.

En guise d’hommage…

A l’annonce de sa mort, son éditrice et amie, Odile Jacob, dit de lui : «C’était un personnage éblouissant et hors du commun, extraordinairement chaleureux, profond et authentique, un grand savant et en même temps un conteur, un écrivain. »

Un autre mot sur André Brahic…

« André Brahic par lui-même », déplorant  que les scientifiques ne soient pas plus impliqués dans la société civile : « C’est ça notre futur, c’est ça la lutte contre l’obscurantisme ». Et il ajoutait : «  Si je me présentais à la Présidence de la République, mon programme reposerait sur trois  priorités : la culture, la recherche et l’éducation ! » 

Au fil du temps passé …

Dans les Années 1980, il  est  devenu  l’un  des plus grands experts mondiaux de l’étude de la formation des systèmes planétaires. Pour le grand public, c’était un brillant passeur de Science, un grand vulgarisateur de l’Astronomie, aussi passionnant que passionné, et pourvu d’une grande humanité. Il  savait  captiver l’intérêt et la curiosité de l’auditoire, en expliquant de manière simple… des choses souvent complexes. Pour avoir assisté plus récemment à l’une de ses conférences, donnée au Festival d’astronomie de Fleurance (Gers), j’atteste qu’il était de contact facile et fort enrichissant.

En 1984, il est connu avec William  Hubbard  (Astronome américain), pour avoir découvert les cinq anneaux  de  Neptune.  Il  a découvert aussi les arcs de cette planète auxquels il a donné, au dernier anneau (Adams), les noms de Liberté, Egalité et fraternité. Plus tard, l’une de ses collaboratrices, Cécile  Ferrari,  découvre un quatrième arc à cette anneau et le nomme « Courage », en référence à la première lettre de son prénom. Travaillant sur le thème des « supernovae », il a développé la théorie du chaos, la dynamique des galaxies, les anneaux planétaires.

En 1990, un astéroïde porte son nom : « 3488 Brahic », en son honneur.

En 1997, la sonde Voyager (qui continue d’orbiter autour de Saturne), et la mission américano-européenne Cassini,  lancée cette année-là, lui a permis d’exercer son talent d’analyste.

En 2000, quelques  années  auparavant,  André Brahic  a  fait la rencontre de Carl Sagan (Astronome américain), et au fil du temps, il s’est lié d’une grande amitié, contribuant ensemble à l’exploration du Système Solaire par les  sondes spatiales Voyager. Carl Sagan disparu en 1996, Brahic a poursuivi son travail d’exploration et de vulgarisation  scientifique.  En 2000, il a reçu le prix Carl-Sagan aux Etats-Unis, destiné à récompenser ses efforts accomplis dans ce domaine.

En 2006, au regard des récentes découvertes de nombreux objets (ou lunes), l’Union internationale d’astronomie, dont André Brahic est membre, redéfinit le terme de planète. Les membres de ce comité d’astrophysiciens considèrent que la spécificité du terme de planète bouleverserait sans cesse la définition du Système solaire, devenue ainsi trop vague. Réunie  en instance internationale, la majorité de ces membres s’accorde  à « débaptiser »  le nom de  planète  attribué à Pluton, pour celui de planète naine, principale du Système solaire, dont les caractéristiques lui sont plus similaires. Elle est rattachée à des objets épars de la Ceinture de Kuiper (deuxième ceinture d’astéroïdes, située au-delà de la planète Neptune).

Désormais notre Système solaire compte huit objets au lieu de neuf, désignés comme planètes.

André Brahic est également membre des équipes d’imagerie des sondes Voyager et Cassini, et fait partie de nombreux comités  scientifiques des agences spatiales. De  la  famille  des passionnants vulgarisateurs scientifiques, il met ses connaissances au service du public (livres, conférences, etc.…). Cette année-là, la Société française de physique lui décerne le prix Jean Perrin, destiné à récompenser son investissement dans le domaine de la vulgarisation scientifique.

De 2009 à 2012, il est chroniqueur de radio et de presse, passionnant les auditeurs et lecteurs sur des  domaines  des  sciences  du  Cosmos. A sa manière il savait captiver et militer pour le savoir partagé à tous.

En 2013 … où le moral de la France n’est pas au beau fixe, il affirme au cours d’une conférence « Plaider pour l’homo rigolus, pas l’homo tristus ! » Plus récemment, et toujours avec l’humour qui le caractérisait, il a modifié sa formule pour affirmer que le combat qu’il menait représentait : « la lutte contre les homos tristus en faveur des homos rigolus, moins nombreux mais plus utiles ». 

En Août  2013, sur France-Culture, au  cours de l’émission Dernières  nouvelles  de  l’ Univers, et  lors  de conférences universitaires et publiques, plongé dans le flot de ses expressions  savoureuses,  il  s’est  laissé  surprendre  par l’une de ces « envolées éloquentes » dont il avait le secret : « Je  rêverais  qu’un  jour on fonde, non pas des banques dans lesquelles on met de l’argent ce qui n’est pas  très  intéressant,  mais  des  banques dans  lesquelles on met du temps. Nous irions de temps en temps déposer un petit peu de temps, quand la période qui s’annonce est un peu tristounette, et puis nous irions en récupérer de temps en temps un tout  petit peu pour profiter pleinement d’une période plus agréable. »

En 2014, il est invité à l’antenne de France Culture et l’animatrice lui pose une question sur la science à laquelle il lui répond : «La science, ce n’est pas des bonbons ennuyeux qui vous écrivent des équations : c’est la vie ! »

En  2015, toujours  membre  de  l’équipe d’imagerie de la sonde Cassini, et plus récemment, se sachant atteint de cette maladie qui l’a terrassé, lors d’une de ses dernières conférences, il disait ne pas vouloir renoncer. Il n’envisageait pas de prendre sa retraite pour pouvoir continuer l’exploration  de  Saturne  et de ses  lunes, dont il élabora l’un des principaux modèles concernant ses anneaux et que la sonde Cassini va continuer d’explorer au moins jusqu’en 2019.

 Quelques ouvrages

  •   Enfants du soleil – 1999
  •   Lumières d’Étoiles – 2008
  •   Terres d’ailleurs. Sommes-nous seuls dans l’univers ? – 2015 (sur les Exoplanètes )

J.- C.  D.