Le Conseil d’Etat et les « affaires de crèche » :

Toutes les « personnes publiques » sont soumises à la loi de 1905
et doivent donc respecter le principe « neutralité »

La presse française a semble-t-il beaucoup de difficulté à rendre compte clairement de la signification des deux arrêts rendus par le Conseil d’Etat [1], hier, 9 novembre, dans ce que tous les médias appellent les « affaires de crèche ».

Ces « affaires de crèche » sont en réalité des affaires de comportement anti laïque et antirépublicain de la part de certaines personnes publiques. Il y avait deux procédures contradictoires.

Le CE a rendu deux décisions différentes mais construites, argumentées et se concluant de la même façon : la neutralité des personnes publiques dans l’exercice de leurs fonctions est une obligation qui s’impose à tous. Il leur est donc interdit d’installer des crèches dans les bâtiments publics – sauf exceptions. La nature de ces exceptions est précisée. Et il est rappelé que le non-respect de ces limites expose les « personnes publiques » à la sanction des juges.

Le Conseil d'Etat

Le Conseil d’Etat

Cela fixe la jurisprudence pour le proche avenir. La Libre Pensée s’en félicite et vous soumet sa propre lecture des décisions rendues.

 1°/ Première question : Qui a gagné et qui a perdu ?

Considérants :

Dans l’arrêt concernant la Vendée, il y a 10 considérants. Dans celui rendu sur la crèche de Melun, il y en a 13. Dans chacun des deux arrêts, le dernier considérant prend soin de préciser que : la « Fédération de la libre pensée de Vendée » ou la « Fédération des libres penseurs de Seine-et-Marne » … « n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ».

Décisions :

  1. Chacun des arrêts, en son article 2, désigne évidemment la demande ou la décision sanctionnée par le CE. Dans le premier cas, c’est « l’arrêt de la CAA [2] de Nantes » et dans le deuxième, c’est « l’arrêt de la CAA de Paris… et le jugement du TA de Melun…. ».
  2. Chacun des arrêts, en son article 4, ordonne que « le département de la Vendée » dans le premier cas, la « commune de Melun » dans le second, « versera … une somme de  3000 euros au titre des dispositions de l’article L.761-1du code de justice administrative ».

Conclusion :
La Libre Pensée a donc gagné et recevra 2 x 3000 euros. Cela couvrira une partie des frais engagés par les libres penseurs avec leurs moyens militants limités. Nous serons obligés de continuer à solliciter votre soutien, vous les laïques et les amoureux de la démocratie républicaine. Merci d’avance !

2°/ Deuxième question : pourquoi ?

Considérants :

  1. Article 3 : Dans chacun des arrêts, la procédure est résumée, puis c’est le rappel que depuis l’article 1er de la Constitution jusqu’à à la loi de 1905, il y a un même bloc de légalité. Que les dispositions différenciées de l’article 28 de cette grande loi de 1905, en interdisant d’apposer, à l’avenir (i.e. après 1905) aucun signe ou emblème religieux sur un monument public ou dans un lieu public… «ont pour objet d’assurer la neutralité des personnes publiques à l’égard des cultes »« en ménageant néanmoins des exceptions à cette interdiction… ».
  2. Articles 4 et 5 : une crèche de Noël est susceptible de revêtir plusieurs significations. Totalement religieuse au départ [3], puis simplement festive et sans signification religieuse particulière, selon le CE, dans beaucoup de cas aujourd’hui. Et donc « l’installation d’une crèche de Noël, à titre temporaire, à l’initiative d’une personne publique, dans un emplacement public, n’est légalement possible que lorsqu‘elle présente un caractère culturel, artistique ou festif, sans exprimer la reconnaissance d’un culte ou marquer une préférence religieuse… ».
    Enfin, « la situation est différente selon qu’il s’agit d’un bâtiment public, siège d’une collectivité publique ou d’un service public, ou d’un autre emplacement public…
  3. Article 6 : « Dans l’enceinte des bâtiments publics, sièges d’une collectivité publique ou d’un service public… l’installation d’une crèche de Noël ne peut être regardé comme conforme aux exigences attachées au principe de neutralité des personnes publiques ». Donc : Interdiction générale d’installation sauf exception culturelle, artistique ou festive.
  4. Article 7 : « A l’inverse dans les autres emplacements publics… ». Possibilité légale d’installation« dès lors qu’elle ne constitue pas un acte de prosélytisme ou de revendication d’une opinion religieuse… ».
  5.  Articles 8 et suivants: Le CE fait application de ces principes dans les deux cas soumis à sa décision en précisant les éléments de ressemblance et de différence de chacun des deux cas.

Conclusion :
La neutralité des « personnes publiques » [4] est donc bien au cœur du principe de laïcité. Ces personnes publiques, élus ou fonctionnaires nommés, représentent et agissent publiquement au nom des institutions de la République laïque française. Nul ne peut se soustraire au principe de neutralité. La laïcité est un « bloc de légalité » qui débute avec la Déclaration des Droits de 1789 (article 10 notamment) et trouve son achèvement avec la loi de Séparation du 9 décembre 1905 …

C’est ce que la Libre Pensée a toujours dit,
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en mobilisant les citoyens et en ayant recours aux juges chaque fois que nécessaire,
tant sur les grands principes et leurs exceptions que sur la manière de les appliquer.

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FNLP

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[1]
Pour confronter notre analyse avec les arrêts et les commentaires officiels du CE, voir son site : http://www.conseil-etat.fr/Actualites/Communiques/Installation-de-creches-de-Noel-par-les-personnes-publiques
[2] TA, pour Tribunal administratif, juge de 1er degré. CAA, pour Cour Administrative d’Appel, juge de 2ème degré. Le CE (Conseil d’Etat) est le juge en dernier ressort.
[3] Il semble que la mode politico-religieuse des crèches ait été lancée seulement au XIIIème siècle par le mouvement franciscain.
[4] Si souvent violée, notamment par ceux, élus, gouvernants, qui instrumentalisent la laïcité à des fins partisanes.