La séparation de l’Eglise et de l’Etat selon Tsipras, par Jean-Paul Martin

Alexis Tsipras et l’archevêque orthodoxe Ieronymos. Photo Ibna.

Au mois de novembre 2018, le gouvernement d’Alexis Tsipras a proposé, dans un projet de loi, de « rationnaliser » les relations entre l’Eglise orthodoxe de Grèce et l’Etat grec. Ce projet de loi devrait s’accompagner d’une révision constitutionnelle (1).

De quoi s’agit-il ?

Lors de la campagne électorale de 2014 pour les élections au parlement grec de janvier 2015, le candidat Tsipras avait fait de la « Séparation de l’Eglise et de l’Etat » un engagement électoral.

Dans un contexte où 56.7 % des grecs interrogés se prononcent pour la séparation de l’Eglise et de l’Etat (2) et où la richesse de l’Eglise grecque est de plus en plus insupportable aux yeux d’une population grecque qui s’appauvrit de jour en jour, tant l’Eglise que le gouvernement Tispras ne pouvaient rester immobiles.

Le Conseil d’Etat avait déjà rendu une décision qui a étendu à l’Eglise grecque l’impôt sur le revenu provenant des bénéfices commerciaux et la taxe foncière unique à tous les biens qui ne sont pas des lieux de culte (3).

Contenu de l’accord

En fait les négociations menées entre Tsipras et l’archevêque Iéronymos, représentant de l’Eglise grecque, ont abouti non pas à la séparation de l’Eglise et de l’Etat, revendication démocratique fondamentale, mais à un simple accord : les membres du clergé orthodoxe ne seront plus fonctionnaires mais l’Etat versera chaque année au clergé l’équivalent des salaires versés aujourd’hui, soit 200 millions d’euros.

Cet accord, pour « raisonnable » qu’il soit, selon les termes de Tsipras et de Ieronymos, a été désavoué par le Saint Synode, organe collégial tout puissant de l’Eglise grecque.

On ne sait donc aujourd’hui, avec la proximité des élections législatives à l’automne 2019, ce qu’il adviendra de ce texte et de la révision de la constitution.

Il appartiendra alors aux Grecs de se donner la représentation politique qui permettra de réaliser la revendication démocratique d’une véritable séparation de l’Eglise et de l’Etat.

Jean-Paul Martin

13 décembre 2018

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(1). La constitution est écrite « Au nom de la Trinité Sainte, consubstantielle et indivisible ».
(2). Angélique Kourounis, déclaration du 11 novembre 2018 sur le site en ligne de France-Culture.
(3). On parle du « fabuleux trésor» de l’Eglise grecque. « Elle possède, en effet, plus de 130 000 hectares de terres agricoles, de forêts, des milliers de kilomètres de littoral, des hôpitaux, des pensionnats, des grands hôtels, des parkings et des restaurants de luxe. Ajoutez à cela les 6 millions d’actions de la Banque nationale de Grèce et vous obtenez, selon des estimations fiables, un patrimoine de 3 milliards d’euros. Rien qu’en 2008, l’Eglise aurait affiché un bénéfice de 7 millions d’euros, auxquels il faut ajouter 4.5 millions de revenus mobiliers et 20 millions de legs et de dons. Des chiffres qui ne sont que des estimations, car la comptabilité est des plus opaques. » Cité par Alexia Kefalas le 23/12/2011 dans l’hebdomadaire Le Point.